Critères d’admissibilité au don des HARSAH et technologies de réduction des agents pathogènes : estimer les risques par la modélisation mathématique
Chef de projet |
Antoine Lewin (Héma-Québec) |
Équipe |
Marc Germain, Gilles Delage, Yves Grégoire (Héma-Québec) |
Partenaire et collaborateur |
William Fraser (Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke) |
Période |
Janv. 2019 – Janv. 2021 |
Financement |
29618$ |
Ce résumé a été rédigé par l'équipe du projet avec l'aide d'un courtier en connaissances de la Société canadienne du sang. Avertissement : Cette étude a reçu un soutien financier du Programme de subventions de recherche sur les HARSAH. L’objectif de ce programme est de recueillir des données factuelles pertinentes en faveur de méthodes alternatives d’évaluation des candidats au don et de leur admissibilité au don de sang ou de plasma. Grâce à ces données, nous pourrions faire évoluer l es critères d’admissibilité des HARSAH tout en maintenant la sécurité de l’approvisionnement en sang. Il est géré par la Société canadienne du sang et Héma-Québec avec le soutien financier du gouvernement fédéral (Santé Canada). Les opinions exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement celles de la Société canadienne du sang, d’Héma-Québec ou des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada. |
Project summary
Contexte
Les risques potentiels que pose la révision des critères d’admissibilité au don de sang et de plasma visant les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) doivent être correctement évalués à l’aide d’outils de modélisation mathématique. Cette évaluation du risque est nécessaire dans le contexte actuel en raison de l’importance de la qualité des produits sanguins, et afin d’assurer la sécurité des receveurs, mais aussi dans l’éventualité où d’autres stratégies de réduction des risques (p. ex. technologies d’inactivation des pathogènes (TIP)) seraient appliquées. La modélisation mathématique peut servir à estimer le niveau de risque auquel on peut s’attendre dans différentes conditions. Les organismes responsables de l’approvisionnement en sang au Canada envisagent le recours à des TIP afin d’ajouter une protection supplémentaire dans la prévention des infections par transfusion. Lorsqu’elles sont appliquées après le prélèvement du sang, ces technologies peuvent inactiver un grand nombre de pathogènes, dont le VIH, le virus de l’hépatite B et le virus de l’hépatite C. Elles peuvent également réduire le risque associé à de possibles pathogènes émergents avant que ces derniers ne soient reconnus comme une menace pour l’approvisionnement en sang. L’adoption de procédés d’inactivation des pathogènes pourrait modifier les résultats des estimations de risques dans lesquelles sont simulées des politiques d’exclusions basées sur le comportement des donneurs. Cette étude utilise la modélisation mathématique pour évaluer l’impact sur le risque de contamination suite à une révision du critère d’exclusion des donneurs HARSAH dans l’éventualité où les TIP seraient adoptées et appliquées à tous les composants sanguins. Les modèles calculent le « risque résiduel », c’est-à-dire le risque restant après l’application de mesures visant à réduire le risque inhérent à la situation. Le projet s’inscrit dans l’initiative internationale de modélisation axée sur les HARSAH que dirige Sheila O’Brien, qui a elle aussi utilisé des modèles mathématiques pour comprendre le risque associé à la révision des politiques.
Description
Dans un premier temps, le risque résiduel qu’un don infecté au VIH contamine un lot de plasma destiné au fractionnement à la suite d’une révision de la période d’exclusion des HARSAH (période de trois mois vers l’absence de période d’exclusion) a été estimé. Dans l’estimation, seulement le plasma prélevé par aphérèse et destiné au fractionnement a été considéré. Ce dernier est traité au moyen d’un processus d’inactivation des pathogènes actuellement utilisé par les entreprises de fractionnement.
Ce projet a été harmonisé avec l’initiative commune de modélisation axée sur les HARSAH dans le cadre du travail de l’équipe internationale de modélisation du risque HARSAH (le sous-groupe Surveillance, Risk Assessment and Policy – SRAP [surveillance, évaluation des risques et politique] de l’international Society of Blood Transfusion – ISBT)). L’accent a d’abord a été mis sur l’estimation, par simulation, du risque d’infection au VIH d’un lot de plasma-aphérèse destiné au fractionnement en fonction de deux périodes d’exclusion HARSAH distinctes tout en modélisant les TIP. La probabilité d’infection (en fonction du type de don, de la proportion de nouveaux donneurs, de l’intervalle inter-dons, de la prévalence et de l’incidence du VIH chez les donneurs, de la charge virale du don infecté, etc.) et l’incidence des mesures de sécurité (comme la réduction de la charge virale, la défaillance du processus lors de l’utilisation des TIP, et le test d’amplification des acides nucléiques [TAN – le test utilisé pour détecter le VIH dans les dons de sang], etc.), ont été simulés considérant des données provenant de la Société canadienne du sang et d’Héma-Québec. Différents scénarios ont été simulés pour estimer le risque résiduel canadien qu’un lot de plasma de fractionnement soit positif au VIH; soit un scénario considéré comme le plus probable, un scénario optimiste et quelques scénarios pessimistes. Pour chacun des scénarios, 300 000 lots de plasma ont été simulés.
Résultats
Un modèle basé sur la théorie des réseaux bayésiens combiné à une simulation de type Monte Carlo a été construit afin de simuler 300 000 lots (environ deux milliards de dons) pour chacun des scénarios. Pour le scénario le plus probable du modèle d’exclusion de trois mois, qui représente le risque actuel, le nombre de dons VIH positifs par million de dons était de 2,79. Un nombre moyen de copies du VIH par lot de 9,7606 × 10-8 a été obtenu. Pour le scénario le plus probable du modèle sans exclusion HARSAH, il y a eu 3,01 dons positifs au VIH par million de dons, avec un nombre moyen de copies du VIH par lot de 9,7598× 10-8. Pour les deux modèles, à la suite de l’application de TIP, si le seuil infectieux est d’une copie du VIH par lot, aucune des simulations de 300 000 lots de plasma n’a donné lieu à un lot potentiellement infectieux. Les résultats indiquent que le risque résiduel d’obtenir un lot de plasma VIH infectieux est extrêmement faible lorsque des TIP sont utilisées. Selon les résultats de la simulation, le risque d’infection au VIH associé à la suppression de la période d’exclusion HARSAH pour le plasma destiné au fractionnement est de 0,00 avec un intervalle de confiance à 95% de [0,00; 1,23 × 10-5].
Applications
La prochaine étape consiste à modéliser le risque pour les produits dérivés du sang traités par des TIP et destinés à la transfusion, et d’inclure les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C dans la simulation. Nos modèles produiront des estimations du risque résiduel qui indiqueront s’il est possible de garantir l’innocuité du sang en ayant recours à des TIP dans les dons de sang. Cette approche pourrait constituer une solution pour remplacer les critères d’admissibilité populationnels, considérés discriminatoires et auxquels sont actuellement soumis les HARSAH, par des critères d’admissibilité basés sur le comportement.
Lacunes
La plus grande limite de ce projet se trouve dans la disponibilité et la spécificité des données utilisées puisqu’il est impossible de recourir à des études cliniques afin d’estimer le risque.
Publications et ressources
Aubé et al. 2021: HIV residual risk in Canada for apheresis source plasma donation without deferral for men who have sex with men. Vox Sang 2021.
DOI: 10.1111/vox.13176