Renaître et vivre pleinement grâce au don de cellules souches
Deux femmes, deux greffées, mais deux parcours différents, car les donneurs potentiels sud-asiatiques sont rares.
Trish Ganam et Moneet Mann ont beau avoir suivi des chemins très différents pour retrouver la santé après une maladie grave, elles ont en commun un traitement qui leur a changé la vie : la greffe de cellules souches.
« J’ai eu la chance incroyable de recevoir des cellules souches de ma sœur, avec laquelle j’étais parfaitement compatible », raconte Trish.
Trish est toutefois bien consciente que la plupart des patients n’ont pas la chance de trouver un donneur compatible au sein de leur famille. C’est le cas de Moneet, qui a trouvé son donneur de cellules souches — un parfait inconnu — par l’intermédiaire du Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang.
« Je suis la preuve vivante que le don de cette personne a été utile », affirme Moneet.
Aujourd’hui, les deux femmes se réjouissent de pouvoir à leur tour aider des patients. Elles racontent leur histoire pour motiver toutes les personnes admissibles à s’inscrire au registre de donneurs potentiels et à donner si elles s’avèrent compatibles avec un patient en attente d’une greffe.
Un patient a plus de chances de trouver un donneur compatible parmi les personnes ayant une origine ethnique similaire; c’est pourquoi il faut des donneurs de toutes les origines. Le registre canadien fait le pont entre des patients et des donneurs du monde entier, car il est relié aux registres d’autres pays.
À l’heure actuelle, plus de mille Canadiens sont en attente de la greffe qui leur sauvera la vie. C’est pour eux que Trish s’efforce de recruter des donneurs potentiels et de collecter des fonds pour la Société canadienne du sang.
Le parcours de Trish n’a pas été un long fleuve tranquille
Trish menait de front une carrière active et une vie bien remplie de mère de deux enfants lorsque des problèmes de santé ont fait dérailler cette routine. Elle a commencé à remarquer qu’elle avait du mal à retrouver son souffle après son jogging quotidien. Lorsque ses symptômes se sont aggravés avec l’apparition d’éruptions cutanées et un gonflement important de ses ganglions lymphatiques en 2009, elle s’est rendue aux urgences dans sa ville natale d’Edmonton, en Alberta.
Quel choc ce fut pour elle d’apprendre que les biopsies de ganglions lymphatiques et de moelle osseuse révélaient vraisemblablement la présence d’un cancer, un lymphome hodgkinien, qui se trouvait déjà au stade quatre, le plus avancé. Les échantillons ont été envoyés au Cross Cancer Institute d’Edmonton pour confirmation, puis l’équipe médicale a contacté Trish pour discuter du traitement.
Quelques semaines plus tard, après avoir établi un plan avec sa famille pour réussir à traverser cette épreuve et après avoir abordé le sujet à plusieurs reprises avec ses jeunes enfants, Trish a reçu une nouvelle encore plus surprenante : le diagnostic initial était peut-être erroné.
Trish Ganam (à droite) et son mari Shaye Ganam avec leurs deux enfants. Cette photo a été prise fin 2008, peu de temps après l’apparition des symptômes de Trish.
S’en est suivi pour Trish et sa famille une longue période d’incertitude, le temps que les experts médicaux trouvent des réponses.
« À ce moment-là, les médecins faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour atténuer mes symptômes », raconte Trish. On lui a prescrit de fortes doses de prednisone, un corticostéroïde dont l’usage prolongé risquait d’endommager ses organes.
Il a fallu plusieurs années et un voyage jusqu’au Minnesota, à la Mayo Clinic, pour qu’un diagnostic soit posé : Trish était en réalité atteinte d’un syndrome hyperéosinophilique. Ce groupe de maladies rares du sang se caractérise par un nombre excessif d’éosinophiles, ou globules blancs, qui peuvent pénétrer dans les tissus et causer de graves dommages dans les organes. Chez la plupart des patients atteints de ce syndrome, la cause est inconnue.
Comment la Société canadienne du sang aide les patients atteints de maladies rares
« En général, le syndrome hyperéosinophilique peut se traiter par des corticostéroïdes et une chimiothérapie, ce que nous avons essayé, explique Trish. Nous avons fini par nous heurter à un mur, ayant épuisé toutes les solutions possibles, et il ne restait qu’une option : la greffe de cellules souches. »
Après plus de six ans de traitement à la prednisone, ainsi que la prise d’autres médicaments n’ayant pas eu l’effet escompté, Trish se rappelle son excitation à l’idée de recevoir une greffe de cellules souches — qui allait renouveler complètement son système immunitaire et lui permettre de repartir à zéro.
« Les médecins m’ont expliqué qu’ils essaieraient de trouver un donneur compatible dans ma famille d’abord. Il y avait 25 % de chances d’en trouver un. Ils ont envoyé des trousses de frottis buccal à mon frère en Ontario et à ma sœur à Sydney, en Australie, mais c’est ma sœur Christi, qui vit à Sherwood Park, à côté d’Edmonton, qui s’est révélée être la plus compatible.
Je n’oublierai jamais ce moment où ils nous ont dit à toutes les deux que nous étions parfaitement compatibles. Nous avons versé des larmes de joie cet après-midi. »
Processus du don de cellules souches
Christi Ross (à droite) a pu faire un don de cellules souches à sa sœur Trish pour que celle-ci puisse recevoir une greffe.
Pour Trish, la préparation à la greffe de cellules souches en 2015 a été éprouvante et le rétablissement, long, notamment en raison d’une grave complication appelée réaction du greffon contre l’hôte. Elle sait que c’est grâce à Christi et aux donneurs de la chaîne de vie du Canada, qui continuent de lui fournir les produits sanguins dont son système immunitaire a besoin pour fonctionner, qu’elle est encore en vie aujourd’hui et qu’elle peut s’épanouir.
Christi a aussi éprouvé le besoin de publier sur Facebook ses pensées sur son expérience de don, elle qui « n’aime pas se lancer des fleurs ».
« Je n’ai pas ressenti de douleur, même si certaines journées étaient insupportables pour quelqu’un d’autre. Cette personne, c’était ma sœur! », raconte Christi.
« Je lui ai sauvé la vie, mais elle a fait le plus gros du travail. Elle est encore avec nous aujourd’hui, car je lui ai donné des cellules souches. Vous pourriez faire la même chose pour quelqu’un d’autre. »
Faire appel à la communauté pour faire un différence
La famille et l’entourage de Trish se sont donné pour mission de faire connaître le registre de donneurs de cellules souches et d’encourager les gens à s’y inscrire.
Le fils et la fille de Trish, aujourd’hui adultes, s’y sont récemment inscrits, et son mari, Shaye Ganam, en a souligné l’importance dans l’émission de radio quotidienne qu’il anime sur la chaîne 630 CHED AM en Alberta. D’ailleurs, il a mené une entrevue avec Moneet Mann en février dernier pour aborder son expérience de greffe et la nécessité d’augmenter le nombre d’inscrits au Registre de donneurs de cellules souches de la Société canadienne du sang.
« Lorsque j’ai entendu Shaye parler avec Moneet à la radio, plein de souvenirs sont remontés à la surface, explique Trish, notamment des souvenirs d’un père que nous avions rencontré pendant que je me préparais à la greffe. Il n’a jamais trouvé de donneur compatible, ni au Canada, ni à l’étranger, ni dans sa famille. »
« Maintenant, j’ai l’intention de tout faire pour montrer aux gens qu’il est facile de s’inscrire au registre — ou du moins d’apporter son soutien par un don en argent — et que cela peut sauver une vie. »
Trish à Vancouver en septembre 2021. Grâce aux donneurs de la chaîne de vie du Canada, qui continuent de lui fournir les produits sanguins dont son système immunitaire a besoin pour fonctionner, Trish peut de nouveau s’adonner à l’une de ses passions : voyager en famille.
Pour ses deux greffes, Moneet a reçu l’aide d’un « parfait inconnu »
La première partie de l’histoire de Moneet ressemble beaucoup à celle de Trish. En juin 2013, alors qu’elle s’entraînait pour sa première course de charité de cinq kilomètres, elle a remarqué qu’elle se sentait mal. Le jour de la course, au mois d’août, elle a eu beaucoup de peine à franchir la ligne d’arrivée.
Quelques mois plus tard, voyant qu’elle avait de la difficulté à effectuer le trajet de sept minutes à pied entre l’université et son domicile, et qu’elle commençait à perdre sa vision périphérique, ses proches se sont vraiment inquiétés. Sa meilleure amie, Natasha, l’a fortement encouragée à consulter un médecin, puis son copain Nav a lui aussi insisté.
« Je n’oublierai jamais quand le médecin m’a dit que j’avais une leucémie. J’avais 23 ans et j’étudiais à l’université à Thunder Bay, loin de ma famille », raconte Moneet.
Heureusement, peu de temps après l’arrivée de sa famille dans cette ville du nord de l’Ontario, son médecin s’est arrangé pour qu’elle puisse suivre son traitement à Toronto, à proximité de ses proches. C’était la fin de semaine de l’Action de grâce de l’année 2013.
Entre octobre et décembre 2013, Moneet a reçu d’innombrables transfusions de globules rouges et de plaquettes, en plus de la chimiothérapie, pour traiter une leucémie myéloïde aiguë, un cancer du sang et de la moelle osseuse qui se développe rapidement et empêche les globules blancs — les cellules sanguines qui aident l’organisme à combattre les infections — de se former normalement.
Malheureusement, en janvier 2014, elle a appris que la leucémie était trop agressive et qu’elle aurait besoin d’une greffe de cellules souches pour survivre.
Moneet Mann en 2013, peu de temps après avoir été admise à l’hôpital pour suivre une chimiothérapie afin de traiter une leucémie myéloïde aiguë.
« Le médecin m’a dit que j’avais plus de chance de trouver un donneur compatible parmi les personnes ayant les mêmes origines ethniques que moi, raconte Moneet. J’ai commencé à m’inquiéter quand il m’a donné quelques statistiques générales sur le nombre de personnes originaires d’Asie du Sud inscrites au registre. »
Comme pour Trish, les médecins ont d’abord cherché des donneurs compatibles parmi les trois frères et sœurs de Moneet. Malheureusement, ils n’étaient pas compatibles.
« Ils voulaient tous m’aider et étaient anéantis à l’idée qu’ils ne pourraient pas le faire. À ce moment-là, j’ai réalisé qu’il allait falloir se mobiliser et commencer à faire campagne », se souvient Moneet.
En plus de leurs dons de sang collectifs réguliers, les membres de sa famille ont commencé à recruter activement des donneurs potentiels au sein de la communauté sud-asiatique de la région du Grand Toronto dans l’espoir de trouver un donneur compatible avec Moneet ou un autre patient. Une campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux a aidé Moneet et sa famille à attirer l’attention de milliers de personnes, dont plusieurs ont effectué la première étape du processus, le frottis buccal, et se sont inscrits au registre des donneurs de cellules souches.
Plusieurs mois après le lancement de sa campagne, la Société canadienne du sang a trouvé un donneur compatible en Allemagne, grâce aux liens entre le registre canadien et les autres registres du monde. Moneet a reçu une première greffe en juin 2014, puis une deuxième du même donneur en décembre 2015 après une rechute de la leucémie.
« Je suis en vie aujourd’hui grâce à un parfait inconnu quelque part dans le monde. Je lui suis reconnaissante chaque jour du cadeau qu’il m’a fait. Grâce à lui, j’ai pu voir mes nièces et neveux grandir et me marier avec Nav. »
Moneet et son mari, Nav, pendant leur lune de miel à Hawaï, plusieurs années après sa deuxième greffe de cellules souches. Le donneur anonyme de Moneet vit en Allemagne.
S’épanouir et changer les choses
Depuis que Moneet et sa famille ont lancé leur campagne de sensibilisation, en 2014, le pourcentage d’inscrits d’origine sud-asiatique au registre de donneurs de cellules souches est passé d’à peine plus de 2 % à presque 7 %. C’est excellent, mais il y a encore du chemin à faire. Les donneurs potentiels ayant des origines autochtones, asiatiques, sud-asiatiques, hispaniques, métisses et noires ne représentent que 33 % de l’ensemble des inscrits au registre.
Quant à Trish, elle espère que ses efforts sensibiliseront les gens à l’importance du registre de donneurs de cellules souches et les inciteront à agir — que ce soit par un don de cellules souches ou un don en argent —, peu importe leur âge ou leur état de santé.
« Je suis une greffée qui a le privilège d’entendre de nouveau sa maison s’emplir de musique et de recommencer à voyager avec son mari. Je veux que d’autres aient aussi cette deuxième chance. »
N. B. : Cet article a été légèrement modifié en octobre 2023.