Des dons de sang pour lutter contre une mystérieuse maladie

Pendant que la médecine cherche la cause de sa forme grave d’anémie, Wai Yin Mok compte sur les transfusions pour survivre

22 décembre 2021
A woman in winter coat and hat standing in a snowy wooded area

Wai Yin Mok a consacré une grande partie de sa fascinante carrière à la science. Mais ces jours-ci, c’est plutôt elle qui est sous le microscope. L’ancienne directrice adjointe d’une école de Toronto, aujourd’hui à la retraite, est atteinte d’une maladie mystérieuse que les médecins tentent de diagnostiquer.

Toutes les deux ou trois semaines, Wai Yin reçoit trois unités de globules rouges pour faire remonter son taux d’hémoglobine, la molécule riche en fer qui transporte l’oxygène dans tout le corps. Ces dons de sang sont essentiels non seulement à sa qualité de vie, mais à sa survie.

« Quand je reçois les transfusions, je me sens revivre, déclare Wai Yin, 71 ans. Même les infirmières le voient : “Vous reprenez des couleurs”, me disent-elles. L’effet est immédiat. »

L’impressionnant parcours d’un don de sang

 

A woman in a chair at a hospital receiving a blood transfusion.


Wai Yin Mok a déjà reçu 150 transfusions pour soigner une maladie dont les médecins ignorent la cause.

Un taux d’hémoglobine déroutant

Les premiers symptômes troublants de Wai Yin apparaissent en 2017, un an et demi après son départ à la retraite d’une école élémentaire d’Etobicoke, en Ontario. Elle constate qu’elle se fatigue facilement et trouve curieux de s’essouffler en montant simplement au premier étage d’une librairie. Puis, un jour, au milieu d’un cours de conditionnement physique pour les personnes atteintes d’ostéoporose, elle perd connaissance. Elle est transportée à l’hôpital en ambulance.

« Mon taux d’hémoglobine était à peine la moitié de ce qu’il aurait dû être, se souvientelle. Pour le faire remonter, on a dû me donner trois unités de sang. »

À l’époque, elle revenait d’un voyage en Afrique. Elle pense donc à une ankylostomiase, une infection causée par un parasite. Mais le test se révèle négatif. Quelques semaines plus tard, son taux d’hémoglobine chute à nouveau de façon si radicale que les médecins concluent à une anémie hémolytique, une maladie dans laquelle les globules rouges sont détruits plus vite qu’ils ne sont fabriqués.

Qu’est-ce que l’anémie hémolytique?

L’anémie hémolytique peut avoir diverses causes. Parfois, c’est le système immunitaire de la personne même qui attaque les globules rouges. Mais cela ne semble pas être le cas pour Wai Yin. Pour compliquer les choses, elle développe d’autres symptômes : des caillots de sang dans les poumons et dans une jambe ainsi qu’une inflammation de la paroi de l’estomac.

Pour tenter de comprendre si ces symptômes sont liés à la maladie, les médecins se tournent vers des analyses moléculaires. En 2019, une biopsie révèle des structures ressemblant à des micro-organismes dans certaines cellules sanguines.

« C’était tellement inhabituel que l’hématologue m’a envoyé une image de la lame. Nous l’avons regardée ensemble et en avons discuté au téléphone », dit-elle.

Grâce à sa formation scientifique, Wai Yin est mieux placée que la plupart des gens pour suivre l’étude de son cas. Elle a étudié à Harvard et est spécialiste en mycologie médicale, l’étude des champignons pathogènes. En 1990, avant d’immigrer au Canada avec sa famille et d’étudier pour devenir enseignante, elle a séjourné en Colombie, où elle a fait de la recherche pour un doctorat, puis a passé plus de dix ans comme scientifique en Amazonie, au Brésil.

Comme Wai Yin a beaucoup voyagé depuis qu’elle a quitté sa ville natale, Hong Kong, lorsqu’elle était adolescente, les médecins ont étudié la possibilité que les étranges structures dans ses cellules soient liées à un parasite, un champignon, une bactérie ou un virus qu’elle aurait contracté au cours d’un voyage. Jusqu’à présent, toutefois, ces structures demeurent un mystère.

Une origine génétique?

Les médecins cherchent également des réponses dans les gènes de Wai Yin. Une analyse de sa moelle osseuse a fait ressortir deux mutations génétiques, dont l’une est liée à un type d’anémie hémolytique héréditaire dont seulement 60 cas ont été signalés dans le monde.

« Environ 50 de ces cas sont liés à une famille suédoise élargie et la plupart des dix autres cas sont des Nord-Américains de race blanche aux États-Unis, explique Wai Yin. Les médecins m’ont dit que j’étais peut-être le premier cas asiatique. »

La recherche se poursuit maintenant pour tenter de déterminer si Wai Yin est née avec ces mutations génétiques ou si elle les a acquises plus tard dans sa vie. S’il s’avère qu’elle est née avec ces mutations, cela soulèvera d’autres questions sur la raison pour laquelle elle a joui d’une excellente santé jusqu’à ses 66 ans. S’il s’agit de mutations acquises, les questions porteront sur le comment, le quand et le où. Wai Yin ne s’attend pas à ce que les découvertes — quelles qu’elles soient — changent le fait qu’elle doit recevoir des transfusions de globules rouges et des perfusions de fer, mais elle espère contribuer à l’avancement de la science pour aider de futurs patients… et satisfaire sa propre curiosité.

« Pour quelqu’un qui a une formation scientifique, tout cela est très excitant, dit-elle en riant. Maintenant, ma retraite a un but. Je veux rester en bonne santé et vivre assez longtemps pour qu’ils puissent poursuivre leurs recherches, car je tiens vraiment à connaître les réponses avant de mourir. »

« Après ma transfusion de sang, je me sens comme neuve »

Avant de tomber malade, Wai Yin ne s’était jamais vraiment arrêtée à l’importance du don de sang. Aujourd’hui, elle en est pleinement consciente. Elle ressent les bienfaits de chaque don de sang qu’elle reçoit à la clinique Red Blood Cell de l’Hôpital général de Toronto. Le jour de son rendez-vous, elle est si faible qu’elle doit se rendre à l’hôpital en transport adapté. Mais dans la dizaine de jours qui suit, elle a suffisamment d’énergie pour faire des activités comme du jardinage ou de la randonnée. Avant la pandémie, elle pouvait même voyager à l’étranger par elle-même.

« Après ma transfusion de sang, je me sens comme neuve », dit-elle.

Ses rendez-vous réguliers lui ont ouvert une fenêtre sur l’expérience des autres. Beaucoup des patients qu'elle côtoie à la clinique sont atteints de maladies chroniques, comme l’anémie falciforme ou la thalassémie. Ils ont appris à se connaître au fil des ans et de leurs traitements. En les écoutant parler de leur travail, de leur famille et des voyages qu’ils planifient, Wai Yin s’émerveille à la fois de leur résilience et de l’importance des donneurs de sang.

« Je vois de jeunes gens capables de réaliser leurs rêves et de croquer dans la vie, sauf qu’ils dépendent des autres », souligne Wai Yin.

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« Les donneurs de sang font partie de moi »

Maintenant que Wai Yin comprend parfaitement l’importance du don de sang, elle rend hommage publiquement aux donneurs de son propre cercle, comme Alan et Alec Roy, un père et son fils, qu’elle a rencontrés quand elle enseignait et qui ont été honorés lors de la cérémonie annuelle Honneur à la chaîne de vie du Canada. La retraitée fait aussi un don en argent chaque mois à la Société canadienne du sang. C’est un autre moyen pour elle d’alimenter la recherche et de contribuer aux programmes nationaux pour le sang, les cellules souches, les organes et les tissus. Wai Yin s’est aussi fixé comme objectif de participer à la chaîne de vie du Canada en recrutant des donneurs de sang.

Elle pense souvent aux donneurs qui l’ont aidée, elle. « Les donneurs de sang font partie de moi, de cette étape de ma vie, assure-t-elle. Lorsque je fais une randonnée, que je profite de l’air pur, de l’eau, de la forêt, j’aime à croire que je partage cette joie et cette sérénité avec les donneurs de sang. »

« Je ne suis pas seule. Je porte en moi un élément de vie d’autres personnes. »

50% of Canadians can donate platelets 1 in 81 people actually do

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