ACN et HARSAH ne constituent pas un oxymoron : importance des personnes africaines, caribéennes et noires dans les études sur le don de sang et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes

Résumé

Contexte

À l’échelle de la population, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) continuent d’être touchés de manière disproportionnée par le VIH. Comme le risque n’est pas le même pour tous les HARSAH, identifier les catégories présentant un faible risque ou appliquer à l’ensemble des donneurs des critères de sélection basés sur les comportements pourrait mener à une politique qui serait plus inclusive tout en prévoyant un niveau de risque acceptable. Pour répondre adéquatement aux préoccupations entourant la non-admissibilité des HARSAH au don de sang, il est essentiel de reconnaître que la communauté canadienne des HARSAH est diversifiée. Les HARSAH africains, caribéens et noirs (ACN) et les ACN cis et trans présentant un faible risque pourraient ne pas vouloir donner de sang à cause des critères d’exclusion et des expériences vécues avec le questionnaire pré-don. Ce projet visait à établir les facteurs qui influencent les réponses des HARSAH ACN au questionnaire pré-don et à améliorer le questionnaire du point de vue de la sensibilité au genre et à la culture. Ce projet visait également à identifier les HARSAH ACN présentant un faible risque infectieux en déterminant les meilleurs indicateurs de résultats séronégatifs au test de dépistage du VIH chez cette population.  

Description

L’étude, qui a utilisé une approche faisant appel à différentes méthodes, a été menée avec des HARSAH ACN au Canada et en trois phases (Aim 1, 2 et 3). Les participants ont été recrutés dans quatre villes (Toronto, Ottawa, Halifax et Montréal). L’objectif de la phase 1 consistait à déterminer les meilleurs indicateurs de résultats séronégatifs au test de dépistage du VIH pendant l’évaluation des candidats au don. Au total, 288 participants ont été recrutés pour cette phase (164 à Toronto, 83 à Montréal, 29 à Ottawa et 12 à Halifax). La phase 2 consistait à mener des entretiens approfondis (alliant réflexion simultanée à haute voix et questions plus ciblées) dans le but d’évaluer les facteurs influençant les réponses des HARSAH ACN au questionnaire pré-don. Au total, 50 participants ont été recrutés pour cette phase (20 à Toronto, 20 à Montréal, 5 à Ottawa et 5 à Halifax). Dans la phase 3, nous avons utilisé les résultats des phases 1 et 2, procédé à une revue de la littérature existante et obtenu un examen d’experts pour préparer une première ébauche de proposition de politique pour le don de sang. Nous avons également mis à l’essai le questionnaire pré-don modifié et mené 6 groupes de discussion (2 à Toronto, 2 à Montréal, 1 à Halifax et 1 à Ottawa).

Résultats

Bien que l’analyse des données soit toujours en cours, les résultats préliminaires indiquent qu’un grand nombre de participants n’ont jamais donné de sang, principalement à cause de leur exclusion du système transfusionnel, mais également par manque d’encouragement de la part de la Société canadienne du sang. La majorité des participants ne savaient pas qu’il existait des critères qui excluaient un bon nombre d’Africains de la chaîne transfusionnelle. En revanche, ils savaient qu’il existait des critères d’exclusion pour les hommes gais. Le racisme systémique fait perdurer l’idée selon laquelle le VIH viendrait d’Afrique, et il ne s’agissait pas là de questions douteuses. Il n’est pas surprenant que beaucoup de HARSAH ACN ne connaissent pas ces critères d’exclusion.

Les participants ont également signalé que les questions ne reflétaient pas de façon adéquate les connaissances scientifiques actuelles sur la transmission du VIH dans leurs communautés. Bien que le retrait des questions non scientifiques concernant les séjours en Afrique soit considéré comme un pas dans la bonne direction, ils ne comprennent pas pourquoi la Société canadienne du sang n’a pas communiqué clairement ce changement à la population ni pourquoi elle n’a pas contacté les communautés ACN pour réparer le tort qui leur a été causé. Selon eux, les discussions sur l’exclusion du don de sang des HARSAH ne reflètent pas de manière appropriée l’expérience des personnes queer et trans non blanches au Canada. Il est intéressant de noter que les participants ont trouvé que les modifications proposées pour le questionnaire pré-don dans notre étude étaient pertinentes et qu’elles s’appliquaient bien à leurs communautés. Ils se sont dits satisfaits du questionnaire modifié présenté lors de l’essai. La lutte contre le racisme anti-Noirs et la théorie critique de la race, ou « Critical Race Theory », doivent être au cœur des activités menées en matière d’équité, de diversité et d’inclusion. (La théorie critique de la race est un cadre de travail théorique qui considère la race comme un concept social plutôt que biologique, et qui considère que l’inégalité raciale provient de différences sociales, économiques et juridiques mises en place pour maintenir les intérêts de la population blanche.) Le racisme anti-Noirs fait partie de la problématique #GayBlood (HARSAH).

Applications

Si l’on croit que les HARSAH et les ACN doivent être étudiés séparément, cela signifie que les données que l’on détient sont insuffisantes. En faisant une distinction entre les HARSAH, les personnes trans et les personnes afrodescendantes, la Société canadienne du sang n’a pas pu obtenir les données dont elle avait besoin et qu’elle cherchait à obtenir. Outre une surveillance accrue des communautés HARSAH ACN, la Société canadienne du sang doit se laisser guider par ces communautés et être prête à avoir des discussions difficiles sur la discrimination raciale dénoncée par les HARSAH noirs au Canada (au lieu de s’en moquer et de nier leurs préoccupations). Afin de mener à bien sa volonté d’équité, de diversité et d’inclusion, l’organisation doit identifier le racisme en tant que tel et chercher à en connaître les mécanismes (dans le cadre de la recherche sur les HARSAH), puis organiser et élaborer des stratégies pour parvenir à des changements concrets. L’équité, la diversité et l’inclusion ne se résument pas à une intention, mais exigent des modifications organisationnelles systémiques ainsi que des changements de politiques. 

Considérations futures

Les méthodes de recherche impliquant efficacement les HARSAH ACN au Canada ne sont pas facilement accessibles. Les méthodes d’analyse Starfish et d’échantillonnage fondé sur les répondants se basent sur des visions eurocentriques de ces communautés et ne sont pas efficaces dans les études qui ciblent les personnes queer et trans noires, autochtones et de couleur. Il s’agit là d’une lacune que notre étude n’a pas su combler. Bien que notre étude ait inclus les HARSAH ACN trans et non binaires, nous manquons encore de données concernant les ACN trans au Canada.  

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