Forte d’un don de rein, une conteuse traditionnelle aide maintenant les autres

22 septembre 2022
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Woman in skirt and sweater holding sage

Depuis sa greffe rénale, Mary Beaucage travaille à améliorer le système de santé pour les patients autochtones.

Recevoir un rein en 2015 n’a pas seulement libéré Mary Beaucage de la dialyse, cela lui a redonné la santé. Forte d’une énergie nouvelle, elle travaille depuis à l’amélioration des soins pour les autres, en particulier les patients autochtones. Son action contribue du même souffle à renforcer les communautés auxquelles elle appartient.  

« Le fait d’être en santé, d’avoir nos capacités physiques, nous aide à retrouver notre culture, notre langue et nos traditions », estime Mary, 53 ans, membre de la Première Nation Nipissing. « Quand j’étais en dialyse, je voulais apprendre l’anishinaabemowin les jours où je n’avais pas de traitement. Mais j’avais tellement de brouillard dans la tête que je ne pouvais rien retenir. » 

« Apprendre sur les plantes médicinales, sur l’histoire ou apprendre comment construire un tipi, on ne peut rien faire de tout ça quand on est en dialyse. C’est tout simplement impossible. »

Partager son expérience de la maladie rénale pour aider les autres

Mary a participé à l’élaboration du programme Transplant Ambassador (Ambassadeur de la transplantation), qui met en relation d’anciens donneurs et greffés de rein avec des personnes qui envisagent de donner un rein ou qui doivent subir une greffe. Depuis sa greffe, la résidente de North Bay, en Ontario, a également fait beaucoup de bénévolat au sein de Can-SOLVE CKD, un réseau canadien de recherche sur le rein axé sur les patients. Mary y copréside un conseil qui veille à ce que les connaissances et les perspectives autochtones soient intégrées à tous les projets. Elle aide également à diriger les travaux du Programme de recherche en don et transplantation du Canada visant à améliorer la culture du don dans nos hôpitaux, nos gouvernements et notre société. 

L’un de ses rôles les plus importants? Partager sa propre histoire, notamment avec les personnes qui ont le pouvoir de faire évoluer le système de santé. « Les Anishinaabe sont des conteurs. Cela fait partie de notre culture, souligne Mary. Partager ce que j’ai vécu aide à nouer des relations, que ce soit avec d’autres patients, des chercheurs ou des décideurs politiques. » 

Son histoire témoigne des défis auxquels sont confrontés les patients atteints d’insuffisance rénale chronique, notamment les Autochtones, qui ont plus de risque de souffrir de la maladie que les non-Autochtones.

« Le fait d’être en santé, d’avoir nos capacités physiques, nous aide à retrouver notre culture, notre langue et nos traditions. »

- Mary Beaucage, greffée d’un rein, conteuse traditionnelle

Le parcours de Mary vers la greffe rénale 

Le parcours de Mary commence en juin 2013. Un soir, se sentant très mal, elle se rend à l’hôpital avec sa mère. Après un examen à la fois bref et troublant, on la renvoie chez elle. Certaines questions du personnel médical sont teintées par les stéréotypes et le racisme anti-autochtones.  

« Ils ont simplement vérifié ma glycémie avec un glucomètre, se souvient Mary, qui est diabétique. Aucune analyse de sang ou autre test plus poussé. Ils ont demandé à ma mère si j’avais l’habitude de manger mes mots, si je me droguais, si je buvais ou s’il m’arrivait de partir pendant de longues périodes. « Non, rien de tout cela », répond ma mère. 

La réalité, c’est que les reins de Mary sont en train de lâcher. Le lendemain, elle se réveille dans un tel état de faiblesse et de confusion qu’elle ne peut même pas composer le 9-1-1. 

Inquiète de son retard au travail, une collègue la contacte pour vérifier si elle va bien. Aussitôt qu’elle raccroche, elle appelle les secours. Cette fois, Mary arrive à l’hôpital en ambulance. Elle passe des radiographies et des analyses de sang, puis tombe dans le coma. 

Elle se réveille quatre jours plus tard, branchée à un appareil de dialyse qui fait le travail que ses reins ne peuvent plus faire : éliminer les toxines de son sang. Il lui faut un certain temps pour prendre conscience de la gravité de la situation. « Au début, je croyais que la dialyse n’était qu’une mesure temporaire pour faire redémarrer mes reins et qu’après, j’irais bien », se souvient Mary. 

Mais c’est loin d’être le cas. Sa vie change complètement. Elle doit suivre une diète particulière et passer des heures à l’hôpital trois fois par semaine pour la dialyse. L’épuisement, le brouillard cérébral et les exigences du traitement l’obligent à quitter son emploi dans le commerce de détail.  

Son seul espoir : une greffe de rein.

Les donneurs d’organes font toute la différence 

Des milliers de personnes sont en attente d’un rein. Le nombre d’organes disponibles provenant de donneurs décédés est loin de satisfaire la demande; chaque année, ce sont des centaines de patients qui meurent pendant l’attente.


LES DONNEURS D’ORGANES SAUVENT DES VIES

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L’alternative est un donneur vivant. Beaucoup d’adultes en santé pourraient donner un rein sans danger à un membre de leur famille, un ami, une collègue ou même un inconnu. Et si le donneur potentiel n’est pas compatible avec le receveur prévu, le duo peut participer au Programme de don croisé de rein. Ce programme permet à un donneur de changer de place avec un autre donneur. Ainsi, deux donneurs font un don anonyme à deux personnes qu’ils ne connaissent pas. 

Mary ne sait pas grand-chose du don vivant lorsqu’elle tombe malade. Découvrant que le temps d’attente prévu pour une greffe est de huit ans, elle décide d’utiliser ces huit années pour apprendre tout ce qu’elle peut sur le don et la greffe, et sensibiliser les gens de son entourage. 

Ses efforts portent fruit. Plusieurs de ses parents et amis passent les premiers tests pour savoir s’ils pourraient donner un rein. L’une de ces personnes est Janice Pulak, une cousine qui habite à Thompson, au Manitoba. Elle n’a qu’un an de plus que Mary et les deux s’écrivaient régulièrement pendant leur enfance.   

Janice est compatible avec Mary et consent à lui donner l’un de ses reins. Pour Mary, l’attente vient d’être réduite à deux ans.  

« J’ai ressenti une immense gratitude, dit-elle. Quand je raconte mon histoire ou que je parle du don d’organes, je ne peux pas parler de Janice sans pleurer, car pour moi, ce qu’elle a fait est absolument incroyable. »


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Mary est parfaitement consciente de la chance qu’elle a eue par rapport à d’autres, dont certaines personnes très proches d’elle. 

« Des membres de ma famille ont dû subir une dialyse et sont décédés en cours de traitement, se désole-t-elle. Je pense être l’une des premières de ma famille à avoir reçu une greffe. »

Une greffée de rein et son petit-fils
Parce qu’une parente lui a donné un rein, Mary Beaucage peut vivre des moments précieux avec son petit-fils et l’aider à renforcer ses liens avec sa culture et sa famille élargie.

Une seconde chance qui fait la différence pour beaucoup de gens

En juillet dernier, Mary et Janice se sont vues pour la première fois depuis la greffe. Elles se sont jointes à des dizaines de membres de leur famille pour célébrer la vie de leur oncle Peter.  

« C’était vraiment bon d’être ensemble. Chaque fois que je vois Janice, c’est comme si l’on s’était quitté la veille, dit Mary. Je porte maintenant une partie d’elle en moi. » 

Ce cadeau qu’elle porte a fait toute la différence non seulement pour elle, mais pour beaucoup d’autres, notamment son fils, Tyler, et son petit-fils Rylan, 13 ans, qu’elle met en contact avec la famille élargie, les aidant ainsi à renouer avec leur histoire et leurs racines. 

Le rassemblement de cet été a permis à Mary de voir Tyler et Rylan prendre part à des traditions autochtones telles que les cérémonies du feu sacré et du calumet, que Rylan vivait pour la première fois. Sans greffe, elle aurait probablement manqué ce moment important et l’occasion de les encourager à se réapproprier leur culture. 

« Ils avaient hâte de prendre part aux cérémonies et ça faisait chaud au cœur de les voir, dit Mary. Cela fait partie de notre démarche de reconnexion. Nous sommes tous à des étapes différentes de cette démarche de revendication de notre héritage et de pratiques dont les gouvernements canadiens ont  privées pendant des générations.  »

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