Jeter les bases d’un système d’approvisionnement en sang plus inclusif

Catherine Jenkins, scientifique et militante LGBTQ+, nous aide à faire évoluer les questions de sélection des donneurs

21 juin 2021
A woman with long brown hair, gold-rimmed glasses and a denim shirt stands on a roadway lined with greenery and brick buildings.

Note de l’éditeur : ce récit et les faits qui y sont relatés sont partagés avec l’autorisation de Catherine Jenkins.

Avertissement : notez que cet article contient des références à la transphobie.

La Société canadienne du sang prend des mesures pour rendre les critères de sélection des donneurs plus inclusifs, et Catherine Jenkins pose son regard de scientifique, de militante LGBTQ+ et de femme trans sur ces travaux.

Dans le cadre d’une subvention de recherche financée par la Société canadienne du sang, elle étudie le don de plasma et réfléchit à de nouvelles questions de sélection des donneurs pour les hommes gais, bisexuels ou autres qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, ainsi que pour certaines personnes trans, bispirituelles et de diverses identités de genre. Ces groupes sont visés par les actuels critères d’admissibilité au don, qui exigent l’imposition d’une période d’attente de trois mois après un contact sexuel avec un homme.

Catherine Jenkins possède un doctorat en biologie du cancer de l’Université de la Colombie-Britannique et travaille dans le domaine de la santé publique en soutenant le développement de ressources communautaires et de pairs afin d’élargir l’accès aux soins de santé des personnes trans, bispirituelles et de diverses identités de genre en Colombie-Britannique. Elle a bon espoir que ses travaux permettront d’accélérer la mise en place de critères de sélection plus inclusifs.

« J’espère que nous trouverons des critères de non-admissibilité des donneurs fondés sur les comportements qui pourront être utilisés pour la collecte de plasma », explique-t-elle.

REGARDER : De couleur jaunâtre, le plasma est la partie liquide du sang riche en protéines qui est très demandée pour la fabrication de médicaments qui sauvent la vie des patients canadiens.

« Mon rêve, ce serait que les résultats s’appliquent ensuite au don de sang total », ajoute Catherine Jenkins.

La Société canadienne du sang appuie 19 projets de recherche qui étudient divers aspects des critères d’admissibilité des donneurs de sang et des processus de sélection qui s’appliquent aux hommes gais et bisexuels qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes. Cet effort vient concrétiser notre promesse faite au public de mettre en place une sélection fondée sur les comportements et sans distinction de genre pour tous les donneurs.

Avant d’autoriser la modification des critères d’admissibilité pour les donneurs, Santé Canada, notre autorité de réglementation, exige la preuve que ces changements seront sûrs pour les patients.

Les projets de recherche génèrent les données probantes nécessaires à la révision des critères et des questions de sélection des donneurs. De nombreux projets en sont aujourd’hui à leur phase finale et les chercheurs s’apprêtent à publier leurs constatations.

À la mi-mai 2021, la Société canadienne du sang a présenté une demande à Santé Canada pour établir de nouveaux processus de sélection et de collecte qui permettraient aux hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, ainsi qu’à certaines personnes trans, bispirituelles et de diverses identités de genre, de donner du plasma source destiné à la fabrication de médicaments.

REGARDER : Comment utilise-t-on le plasma dans les médicaments?

En cas d’approbation, les centres de donneurs de Calgary (Alberta) et London (Ontario) seront les premiers à appliquer le nouveau processus de sélection de donneurs de plasma d’aphérèse à compter de la fin 2021 — un pas de plus vers une sélection fondée sur les comportements pour tous les donneurs.

Cette avancée n’aurait pas été possible sans le travail de chercheurs comme Catherine Jenkins, mais elle admet qu’elle a hésité avant d’accepter de participer.

« J’ai pris le parti selon lequel il est peut-être possible de changer le système de l’intérieur. C’est ce que j’essaie de faire, affirme-t-elle. En même temps, je suis partagée, car j’ai parfois l’impression que le système va systématiquement à l’encontre de ce que je fais. »

Une impression qui s’est manifestée lorsque, en tant que femme trans, Catherine Jenkins a fait son premier don de sang après son opération de réassignation de genre. Elle a décidé d’analyser son expérience dans le but de créer un environnement plus convivial pour les autres donneurs trans.

« Je m’étais toujours dit que je ne donnerais plus de sang tant que toutes les personnes trans ne pourraient pas le faire. Mais j’ai réalisé par la suite que des personnes trans allaient faire des dons de toute façon, et que l’expérience pourrait être difficile pour elles, explique-t-elle. J’ai alors décidé d’essayer, de voir comment ça allait se passer, et de transmettre mes commentaires. »

Les changements de nom et de marqueur de genre rendent les dons difficiles

Catherine Jenkins a pris rendez-vous pour faire un don de sang en avril 2020. Il s’agissait de son premier don depuis qu’elle s’appelait Catherine, mais pas de son tout premier don. « C’est là que les choses se sont corsées », dit-elle.

Pour mettre à jour son dossier, on lui a demandé de prononcer son ancien nom, une expérience douloureuse et invalidante pour de nombreuses personnes trans. En outre, il n’était pas possible de faire tous les changements à l’accueil. Il fallait passer par une consultation avec une infirmière.

« À cause de cela, on m’a donné les mauvaises questions de sélection. Quand j’ai rencontré l’infirmière, j’ai dû réexpliquer toute la situation. Enfin, on m’a donné le formulaire pour les femmes et j’ai pu faire mon don », raconte-t-elle.

Après son don, Catherine Jenkins a vérifié son profil sur l’application DonDeSang, ignorant qu’il faut parfois attendre 48 heures pour que les changements entrent en vigueur. « L’application affichait mon ancien nom, mon ancien genre. La mise à jour a fini par se faire, mais j’aurais aimé qu’on me prévienne. »

Catherine Jenkins nous a transmis ses commentaires par courriel, proposant des solutions pour rendre le processus de don plus sûr et plus inclusif pour les personnes trans, comme le fait de leur donner la possibilité d’écrire leur nom de naissance au besoin pour mettre à jour le dossier, de former davantage le personnel sur la terminologie relative au changement de genre, et d’avertir les personnes de la présence d’éventuels éléments déclencheurs, comme le délai de mise à jour de l’application.

La volonté de faire mieux

La Société canadienne du sang a fait plusieurs changements pour remédier à l’inégalité et à la discrimination systémique après avoir réitéré son engagement à l’égard de la diversité, de l’équité et de l’inclusion l’an dernier. Certaines modifications répondent aux préoccupations de Catherine Jenkins, comme l’ajout d’autres identités de genre que les identités binaires hommes-femmes dans les questions de sélection des donneurs. Les ressources et les modules de formation à l’intention des employés ont été mis à jour pour favoriser l’inclusion des personnes trans. En outre, les processus de candidature aux emplois comportent désormais des questions facultatives et anonymes sur la façon dont les candidats s’identifient afin de rendre nos processus d’embauche équitables pour tous.

Nous nous efforçons constamment d’accroître la sensibilisation et la compréhension au sein de l’organisation pour offrir des expériences plus sûres et plus inclusives à tous ceux qui font partie de la chaîne de vie du Canada.

« Nous avons entrepris ces travaux il y a quelques années et nous savons qu’il nous faut en faire plus, plus rapidement, et de façon plus transparente, explique Graham Sher, chef de la direction de la Société canadienne du sang. Nous avons encore beaucoup à faire et nous avons la volonté de faire mieux. »

La récente présentation à Santé Canada qui autoriserait les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes, et certaines personnes trans, bispirituelles et de diverses identités de genre, à donner du plasma source, représente une petite avancée. C’est pourtant une source d’espoir pour Catherine Jenkins, car la sélection fondée sur les comportements, sans distinction de genre, pourrait bientôt devenir réalité. « Pour le moment, au vu des projets financés et des données recueillies, je pense qu’il y a des raisons d’espérer un changement de politique. »

Le mois de juin est le Mois de la fierté au Canada et dans de nombreux pays. À cette occasion, la Société canadienne du sang met en valeur les contributions à la chaîne de vie du Canada des groupes et personnes de la communauté LGBTQ+. Pour en savoir plus sur notre démarche visant l’utilisation de questions de sélection des donneurs fondées sur les comportements, sans distinction de genre et pour tous, lisez nos récits sur les autres personnes de la communauté LGBTQ+ qui œuvrent au changement à https://sang.ca/fr/notre-sujet/diversite-equite-et-inclusion/lgbtqcommunities.

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