Denice Klavano a apporté sa contribution à un nouveau projet destiné à augmenter les dons de cornées au Canada
Denice Klavano a apporté sa contribution à un nouveau projet destiné à augmenter les dons de cornées au Canada
Dans sa maison, à Eastern Passage (Nouvelle-Écosse), Denice Klavano garde beaucoup de souvenirs de son fils, Brad Howell. On peut y voir, entre autres, la photo de remise de diplômes d’études secondaires de Brad et le certificat de la Reine qu’on lui a décerné à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Brad, décédé alors qu’il occupait un poste de réserviste. Mais le souvenir le plus émouvant est sans conteste un tableau représentant des coquelicots peints par l’une des personnes qui a reçu l’une des cornées de Brad et dont la vie a complètement changé grâce à lui.
Même avant la mort de son fils, Denice a toujours été une fervente défenseure du don et de la greffe de tissus du fait de son travail à la banque de tissus régionale de la Nouvelle-Écosse. En tant qu’assistante, elle récupérait et effectuait le suivi des dons de tissus — y compris ceux de cornées — recueillis dans les hôpitaux. La cornée est cette couche externe transparente qui recouvre l’œil et qui permet à celui-ci de focaliser.
La mort de Brad, il y a quatorze ans, a incité Denice à jouer un rôle clé dans l’amélioration du système de don et de greffe au Canada. Aujourd’hui, alors que nous célébrons la Journée mondiale de la vue, Denice peut être fière d’avoir contribué à l’élaboration de recommandations visant à vider complètement les listes d’attente provinciales des personnes qui ont besoin d’une greffe de la cornée d’ici 2025. C’est une contribution dont son fils aurait été fier, lui dont les cornées ont permis d’améliorer la vue et la vie de deux personnes.
« Je lui ai demandé s’il souhaitait s’inscrire comme donneur d’organes et de tissus. »
Brad était réserviste à Halifax et n’avait que dix-huit ans lors de son accident, le 13 mars 2006. Le jeune caporal, qui venait tout juste de commencer ses études à l’Université St Mary, faisait la sécurité au manège militaire d’Halifax lorsqu’il se retrouva mortellement coincé entre un camion et un chariot élévateur.
Trois mois auparavant, il s’était inscrit avec fierté comme donneur d’organes et de tissus.
Comment faire pour s’inscrire comme donneur d’organes et de tissus?
« Un jour, je lui ai demandé s’il souhaitait s’inscrire comme donneur d’organes et de tissus. Il m’a regardé avec le sourire et m’a dit “bien sûr, maman, tout ça, c’est juste en location” en se montrant du doigt », se rappelle Denice. Et d’ajouter : « à cause de mon travail à la banque de tissus, c’est une importante conversation que j’ai eue avec chacun de mes quatre fils ».
Brad Howell est décédé tragiquement en 2006, mais ses dons de cornées ont pu améliorer la vie de deux personnes.
Après la mort de Brad, Denice a quitté la banque de tissus et travaille maintenant au service des relations avec les patients de la régie de santé de la Nouvelle-Écosse. Toutefois, elle passe beaucoup de son temps libre à parler de son fils ainsi que du don d’organes et de tissus du point de vue d’un parent à différents publics : professionnels de la santé, travailleurs paramédicaux, étudiants. Elle a tellement ému l’auteure Sherry Topple lors de l’une de ses interventions, que celle-ci a écrit un poème (en anglais) pour Brad, mais aussi dans l’espoir de motiver d’autres personnes à s’inscrire comme donneurs d’organes et de tissus.
Denice tient particulièrement à aider les professionnels de la santé à aborder, avec confiance et empathie, le don d’organes et de tissus avec les personnes qui viennent tout juste de perdre un enfant.
« N’ayez pas peur, je suis moi-même cette mère », leur dit-elle. « En abordant le sujet avec les familles, ils ne rendent pas la situation plus tragique qu’elle ne l’est déjà. Au contraire, en leur demandant si leur enfant aurait voulu être un donneur d’organes et de tissus, il leur offre un dénouement quelque peu positif. »
« Le réconfort que je ressens de savoir que les yeux de mon fils continuent de voir le monde, même si c’est à travers quelqu’un d’autre, est indescriptible. »
La Société canadienne du sang, qui travaille avec les différents acteurs du don et de la greffe afin d’améliorer la situation au Canada, a demandé à Denice si elle accepterait de participer à un comité dont l’objectif serait d’analyser le système de don et de greffe de cornées au Canada et de proposer des améliorations.
« L’implication, du début à la fin, des donneurs et des familles des donneurs dans ce processus est essentielle à l’élaboration de bonnes pratiques, explique Ken Lotherington, spécialiste en développement à la Société canadienne du sang. Denice est bien connue pour son travail et sa mobilisation dans le domaine. En tant que mère de donneur et personne ayant travaillé dans le milieu, elle apporte un point de vue unique. C’est une fervente défenseure du don d’organes et de tissus qui comprend les importantes répercussions que cela peut avoir tant du côté des donneurs que des receveurs. »
En février 2020, ce comité, qui est composé de receveurs, d’experts en don et en greffe, et d’organismes travaillant dans le domaine de partout au Canada, a fait une audacieuse recommandation : créer un système canadien de don et de greffe de cornées qui soit autosuffisant et vider les listes d’attente dans les cinq prochaines années.
« C’est un objectif ambitieux, mais raisonnable que l’on peut atteindre, continue M. Lotherington. Avant de rejoindre la Société canadienne du sang, j’étais technicien agréé dans une banque d’yeux. J’ai passé de nombreuses années à m’occuper de l’attribution des cornées et à voir les listes d’attente s’allonger. Grâce à cet objectif national commun et à la collaboration de toutes les parties intéressées, je pense qu’on peut y arriver. »
Denice Klavano (à gauche), Susan Harason (greffée de la cornée), Kathleen Tabinga (membre de la famille d’un donneur), Shirley Sinclair (greffée de la cornée) et le Dr Paul Postuma (greffé de la cornée) en février
Après avoir recueilli et analysé des données pendant plusieurs mois, et échangé avec des experts, le comité a rendu son rapport final, intitulé Don et greffe de cornées : forum national de consensus pour améliorer l’accès au Canada, ainsi que des recommandations qui permettront de vider les listes d’attente provinciales des personnes nécessitant une greffe de la cornée.
« Ce rapport se concentre sur les lacunes et les barrières du système de don de cornées au Canada, précise Denice. Les disparités constituent le problème majeur : quelqu’un peut devoir attendre six mois pour une greffe de la cornée dans une province, tandis que dans une autre province, une autre personne devra attendre quatre ans. Nous pouvons faire mieux. »
« Dans les jours suivant le décès d’un proche, le don d’organes et de tissus peut représenter la seule source de réconfort, continue Denice. L’unique branche à laquelle on peut se raccrocher quand on cherche un sens à un événement qui n’en a pas. L’espoir silencieux, mais sincère, que d’autres vies puissent continuer grâce à ces dons et que d’autres familles n’aient pas à souffrir. »
En racontant son histoire, Denice espère sensibiliser plus de familles au don d’organes et de tissus, et souhaite que celles-ci parlent ensemble de leurs décisions à ce sujet.
« Nous avons eu ces conversations à la maison et je connaissais le choix de Brad », ajoute Denice avant de conclure : « le jour venu, c’est plus facile pour les familles de prendre une décision ».
Points saillants du rapport du comité :
- Au Canada, le temps d’attente pour une greffe de la cornée et le taux de greffes réalisées varient de manière significative d’une province à l’autre. Pour une greffe non urgente, un patient peut attendre entre un mois et plus de deux ans. Le taux de greffes réalisées varie entre 36 et 126 par million d’habitants.
- La demande de cornées ne cesse d’augmenter en raison du vieillissement de la population et du raffinement des techniques chirurgicales qui permettent de plus en plus d’applications thérapeutiques, offrent de meilleurs résultats et permettent des périodes d’hospitalisation raccourcies. Malgré cela, il n’y a eu aucun changement significatif dans l’offre de cornées dans les cinq dernières années.
- Beaucoup de gens pâtissent du fonctionnement actuel, ainsi que du manque de communication et de coordination entre les différents acteurs du domaine. En optimisant les infrastructures et l’allocation des ressources provinciales, et en uniformisant et en coordonnant les différents systèmes, il est possible d’améliorer drastiquement le don et la greffe de cornées à l’échelle nationale.
La Société canadienne du sang travaille avec les différents intervenants du don et de la greffe à l’échelle nationale afin d’améliorer le système à l’échelle du pays. Pour répondre aux besoins critiques en donneurs, inscrivez-vous comme donneur ou apprenez-en plus le don de son vivant.